L’Assemblée nationale a voté ce mercredi 20 octobre 2021, une loi sur la légalisation de l’avortement. Prise à l’unanimité des députés présents, elle serait la solution contre la clandestinité qui entoure la pratique. Alors qu’il s’apparente à du pain béni pour certains, d’autres se demandent si cette loi n’ouvre pas le bal d’une sexualité dépravée pour les jeunes et adolescents.
L’avortement est désormais autorisé en République du Bénin. C’est ce qui ressort de la session qui a réuni les parlementaires le mercredi 20 octobre dernier à Porto Novo. En effet, la représentation nationale a légalisé l’avortement. Cette loi qui vient modifier l’article 17 de la loi 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et de la reproduction. Elle intervient dans un contexte socio culturel et religieux très controversé sur la question. Cet article en question autorisait l’avortement dans des conditions exceptionnelles notamment quand la grossesse met en danger la vie et la santé de la femme enceinte, lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’une relation incestueuse, ou lorsque l’enfant à naître est atteint d’une affection d’une particulière gravité. Toutefois, des cas de décès suite à cette pratique se déplorent au quotidien.
L’état des lieux
Selon des données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 200 meurent de l’avortement. Il est la troisième cause de mortalité maternelle au Bénin, derrière l’hémorragie et l’éclampsie. Dans la pratique, la loi de 2003 se serait montrée inefficace. Ainsi, de nombreuses femmes et jeunes filles en détresse laissent leur corps au soin des personnes non expérimentés. Dans un point de presse, Benjamin Hounkpatin, ministre de la Santé estime que cette mesure vient soulager les peines des nombreuses femmes, qui, face à la détresse d’une grossesse non désirée, se sentent obligées de mettre leur vie en danger à travers des pratiques d’interruption de grossesse dans des conditions perilleuses. Le ministre de la Santé décrit des cas dignes de films d’horreur qui témoignent de l’ampleur des conséquences d’une législation rigide sur l’interruption volontaire de grossesse.
« Des images insoutenables de jeunes filles arrivant dans les structures sanitaires, leurs intestins enveloppés dans un pagne, marchant difficilement, infectées totalement du fait du travail de boucher perpétré par des apprentis avorteurs officiants dans les coins de rue à la recherche de ces proies faciles en détresse ; des images de perforations utérines et autres organes de voisinage, de gangrènes utérines, d’hémorragies foudroyantes, de nécroses vaginales et utérines du fait de pratiques d’auto-avortement à l’aide de tiges, d’aiguille à tricoter, d’utilisation de produits corrosifs ou caustiques pour obtenir l’arrêt coûte que coûte de ces grossesses non désirées, toutes choses se soldant par des décès maternels ou des mutilations », dépeint-il.
Les nouvelles conditions de pratique de l’avortement
Pendant plusieurs années, l’avortement était pratiqué par des personnes non spécialisées dans le domaine et de façon clandestine. Ceux-ci employaient des méthodes, qui se résolvent majoritairement par des complications avec à la clé, des maladies sexuellement transmissibles, la dégradation de la flore utérine, des problèmes de fertilité, ou encore la mort pour e citer que ceux là.
Dans la nouvelle loi votée par la représentation nationale, les conditions de pratique de l’avortement connaissent quelques réaménagements. Elle précise que l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui était auparavant interdite au Bénin en dehors de circonstances exceptionnelles « peut être autorisée » jusqu’à douze semaines, à la demande de la femme enceinte.
Elle se justifie « lorsque la grossesse est susceptible d’aggraver ou d’occasionner une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale », peut-on lire dans la loi relative à la santé sexuelle et la reproduction.
Pour Benjamin Hounkpatin, l’instauration de cette loi permettra aux femmes de faire des avortements dans des conditions qui préservent leur vie. Le gouvernement mettra ainsi en œuvre des mesures pour encadrer la pratique. Toutefois, elle restera dans tous les cas un recours ultime. Bien qu’approuvée par la majorité des députés du parlement, cette décision ne saurait être sans impacts négatifs sur la société, et particulièrement sur la jeunesse.
Quelle place dans l’éducation sexuelle des jeunes ?
Après son adoption, la loi légalisant l’avortement au Bénin fait objet de vives polémiques. L’Interruption volontaire de grossesse (IVG), autrefois toléré uniquement en cas d’extrême nécessité, était punie d’une peine d’emprisonnement allant de cinq à vingt ans et d’une amende allant de 500 000 FCFA à 2 000 000 FCFA, d’après le juriste Aubin Attindégla. Actuellement accessible à toute personne désireuse d’interrompre une grossesse, elle est susceptible d’occasionner de grave conséquence sur la vie sexuelle chez les jeunes notamment les adolescents.
En effet, plusieurs jeunes filles se fiant à la légalisation de cette pratique pourraient procéder à des avortements répétés. Ce qui enclencherait des répercussions sur leur fertilité à l’avenir. De plus, il s’agit d’une pratique qui du point de vue religieux et moral relève d’un « meurtre ». Une croyance fortement ancrée dans les sociétés africaines du fait de l’enracinement de la religion et de la morale. En témoigne la réaction de la communauté chrétienne catholique et des figures de moralité au Bénin. Par crainte des critiques sociales, la clandestinité qui entoure l’IVG perdurera. Par ailleurs, on se demande si sa légalisation au lieu de représenter un soulagement ne serait pas la cause de la débauche sexuelle chez les adolescents.
Des mesures supplémentaires
Face à cette situation, il urge que l’Etat béninois prennent les mesures idoines en vue de réduire le taux d’avortement au Bénin. Il faudrait, à cet effet, que l’exécutif s’engage à poursuivre le travail sur les différentes méthodes de prévention des grossesses non désirées. En outre, il devra assurer une parfaite éducation à la base. D’ailleurs, tel que l’a notifié Benjamin Hounkpatin, ministre de la Santé à travers son point de presse, les services de contraception seront disponibles et des efforts seront déployés quant à la communication sur la sexualité.
Aussi, serait-il salutaire d’en formaliser dans les collèges et universités l’éducation sexuelle. Celle-ci permettra à toutes personnes (jeunes et adolescents) de rester informé et de se préserver en toute éventualité. Notons que l’État béninois après la prise de cette décision travaille déjà sur les décrets d’application de la loi.
Jocelyne KOUKPOLIYI