Piercing : une pratique objet de controverse

Considéré comme une pratique culturelle, le piercing est longtemps demeuré l’apanage de certains peuples. Cependant, sa reproduction de nos jours passe plus pour l’esthétique du corps et un effet de mode que pour une marque d’identité culturelle. Alors que les uns y prennent du plaisir, les autres le jugent immoral. Partagés entre ces deux tendances, les spécialistes de la santé indiquent le moyen de prévenir les risques qui l’entoure.

Piercing aux oreilles,  sur le nez, les lèvres, la langue et même sur les parties génitales : c’est le spectacle auquel on assiste auprès des jeunes des grandes villes du Bénin. À la base, la pratique du piercing émanait de la culture de certains peuples notamment d’Inde, d’Asie occidentale et des communautés peulhs en Afrique de l’Ouest. Il servait prioritairement à exprimer la féminité et se révèle à ce titre comme un instrument de beauté. Malheureusement, pour la nouvelle génération, percer l’oreille et le nez ne suffit plus ; la pratique s’étend à bien de parties les plus insolites du corps.

Origine et méthodes de pratiques

Le piercing est une pratique culturelle. Selon Narcisse Kitcho, analyste des politiques de développement, il « peut être perçu comme un acte de valorisation de la culture dans certaines régions du Bénin, à condition qu’il soit pratiqué de façon modérée ».

Dans les camps peulhs d’Afrique de l’Ouest, le piercing se pratique essentiellement par les femmes mariées. Bien qu’il est déconseillé en l’absence de toute prescription dans les écritures coraniques, les femmes musulmanes y recourent comme moyen de séduction. On retrouve alors des piercings nasaux et ceux réalisés au contour des oreilles. Un constat que confirme Adjarath Mamadou, ménagère à Godomey. « Le piercing dans ma religion n’est pas proscrit. C’est d’ailleurs une excellente arme de séduction. Quand elle est pratiquée sur le nez, elle vivifie notre charme et offre une autre image de soi », a-t-elle affirmé. Avec l’influence des cultures occidentales, il a pris de l’ampleur dans tous les pays d’Afrique noire.

Pistolet de piercing

Le piercing se réalise par perforation du lobe de l’oreille ou de la partie devant recevoir le bijou un objet pointu comme outil chirurgical. À l’aide d’un morceau de glaçon, on provoque une forme d’anesthésie locale et la coagulation du sang avant d’insérer le bijou. Par contre, d’autres, plus audacieuses enfoncent directement le bijou sans passer par l’étape de coagulation. Aujourd’hui, la pratique a évolué, et s’effectue au moyen d’un pistolet de piercing spécial. Une expérience douloureuse pour certains, et anodine pour d’autres.

Aujourd’hui, par simple effet de mode la pratique a atteint des proportions telles qu’on peut s’inquiéter surtout pour les adolescents des deux sexes qui se laissent porter par la tendance.

Le piercing à l’épreuve des mœurs africaines et religieuses

Pour certains, cette pratique devenue très courante dénote de l’extravagance et de la démesure. « On n’a pas besoin de tout ça pour être belle, car la beauté relève du naturel », s’indigne Tryfène Babalo, étudiante à l’université d’Abomey Calavi. Pour elle, c’est « immature » que de se percer des parties du corps autres que les oreilles. L’étudiante soutient que c’est un corollaire de l’oisiveté et du mimétisme irrationnels des pratiques occidentales. « Vous ne verrez jamais une femme travailleuse, qui au lieu du bien-être de sa famille met tous ses efforts à s’adonner à une telle pratique », a laissé entendre Tryfène Babalo.

Comme elle, Josiane Dossou, commerçante à Tokpa et mère de famille estiment qu’il est catégoriquement intolérable qu’une fille qui a du respect pour elle-même et pour sa famille s’adonne à une telle pratique. « Ma fille n’oserait jamais faire de pareilles choses. Percer les oreilles, c’est toléré. Mais de là à percer tout le corps jusqu’au clitoris, c’est inadmissible. Les filles qui font cela n’ont aucune dignité », a-t-elle affirmé.

Bien que mal perçu, le piercing ne manque cependant pas de trouver des adeptes, même en milieux scolaires. Nadège, élève en classe de troisième, porte deux piercings sur le nez et deux sur chaque oreille. Pour elle, cela n’a rien de mauvais. « Je le fais depuis toute petite et je ne m’en passe plus. Mes copines me trouvent attirante et les garçons me font de belles remarques », laisse-t-elle entendre. Face à cette confidence, on comprend bien l’assentiment des parents dans le choix de la jeune fille.

Aux dires de certains enseignants, cela n’affecte pas l’éducation. « Personnellement je n’en trouve aucune attirance. C’est un fait que peut-être, une partie de la société condamne, mais il y en a d’autres qui apprécient », a laissé entendre un professeur ayant souhaité garder l’anonymat. Ainsi, cet état de choses embrasse plusieurs dimensions, car outre l’aspect immoral que certains y associent, la pratique peut avoir de graves répercussions sur la santé de ceux qui s’y adonnent sans contrôle.

Impacts sur la santé

Pour les spécialistes de la santé, le piercing n’est pas mauvais en soi, seules les conditions qui entourent sa réalisation exposent à des risques. Alida Kouassi, dermatologue à l’Hôpital militaire du Camp Guezo à Cotonou explique que « le piercing est un traumatisme pour la peau notamment la peau noire ». Elle ajoute que cette pratique peut exposer à des infections cutanées, à l’hépatite, au VIH et à d’autres types d’infections liées à l’hygiène de la partie percée ». Sur la peau noire, elle peut être, selon Alida Kouassi, à l’origine des chéloïdes, une affection qui se manifeste par une mauvaise cicatrisation de la plaie. Les conséquences sont parfois énormes et il ne suffit pas toujours de retirer le piercing.

Complications des piercings

Selon Alida Kouassi, il est indispensable de mener une profonde réflexion avant de réaliser le piercing. « Il faut veiller à faire le piercing dans un milieu propre, aseptique et veiller à la pratique modérée du piercing pour ne pas être victime des problèmes de santé », a-t-elle conseillé. Elle invite les partisans à cette tendance à suivre des règles d’hygiène pour ne pas être victimes des infections cutanées. De toute évidence, bien qu’on ne peut s’opposer aux choix des individus de s’offrir un bijou sur une partie du corps, on peut toutefois prendre les précautions pour limiter les risques qui y sont associés.

Jocelyne KOUKPOLIYI

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1 réflexion sur “Piercing : une pratique objet de controverse”

  1. Ok merci beaucoup pour les différentes informations.
    Comme d’autres l’ont souligné, j’affirme que <> à l’exception de l’exigence de la culture.
    Jean Paul ODOH, enseignant des Mathématiques.

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