À Cotonou, capitale économique du Bénin, le calme aux heures de repos est devenu quasi impossible. Les moulins à maïs et à condiment, églises de quartier moquées et bars dictent leur loi, bien que le Gouvernement ait imposé des horaires de cessation de toute activité liée à la pollution sonore. Ceux-ci exercent leurs activités à plein temps au nez et à la barbe des garants de l’ordre et des lois.
Il sonne 14 h à Agla, un quartier du 13è arrondissement de Cotonou. Le bruit assourdissant d’un moulin à maïs transperce le silence et attire l’attention de tous les passants. Pour un après-midi paisible, c’est perdu d’avance pour les riverains de ce quartier. Rafiou Biaou, le meunier de la zone met en marche son moulin à une heure de repos. Ignorant les dispositions réglementaires prescrites par le gouvernement qui indiquent les horaires de travaux de cette nature, celui-ci exerce son activité en toute insouciance. Pour lui, « il n’existe aucun texte en vigueur qui fixe les heures de travail pour un meunier ». Il soutient que sa machine peut tourner à tout moment, c’est pourquoi il travaille durant toute la journée. « C’est ma manière de gagner de l’agent et jamais aucune brigade ne m’a interpellé sur ce fait. L’unique raison qui pourrait m’amener à interrompre mon travail est le manque de client ». Pourtant, plusieurs plaintes ont été recensées auprès des habitants notamment les agents de l’État qui profitent de leur moment de pause pour s’assoupir quelques minutes. Dépassée, Micheline Lawson, sage-femme à Agla s’exclame : « cette situation m’exaspère. Je suis souvent contrainte de passer mes heures de pause au travail pour me reposer j’ai beau crier, déposer des plaintes, mais rien n’est fait. ». Cependant, la situation à Agla reste inchangée.
Les maquis et lieux de cultes aggravent l’inconfort
Les bars et lieux de cultes s’ajoutent à ce concert assourdissant et désagréable pour la plupart des habitants des alentours. Sur un rayon de 3 km, on compte plus d’une dizaine de buvettes et lieux de réjouissances qui semblent se faire la concurrence du meilleur faiseur de bruit au mépris de la proximité avec les habitations ainsi que des conséquences sur la santé des riverains. Outre l’aspect des maquis, on note les bruits émanant des activités domestiques, industrielles et du transport. Les lieux de culte s’invitent également aussi à la longue liste des pollueurs. « En plein jour, tu n’arrives pas à faire une sieste et la nuit, ce sont les cris des fidèles des églises qui t’empêchent de dormir », se plaint Micheline Lawson, sage-femme à Agla. L’aboiement de chiens, des nuisances causées par les tapages injurieux, les réjouissances telles que les baptêmes, anniversaires, mariages, obsèques et autres sont autant d’occasions qui troublent la tranquillité des populations.
Des amendes amendes pour décourager les persistants
Si, à Agla, l’insouciance de certains règne en maître, le constat à Godomey, premier arrondissement d’Abomey Calavi est différent. Fabrice Hounga, meunier à Godomey assure qu’il respecte les horaires prescrits par le gouvernement. Il confie avoir été interpellé par la Brigarde de protection du littoral et de lutte antipollution et payé une amende de 20 000 F CFA pour éviter la confiscation de son moulin. C’est également le cas pour Rosalie Amedé, meunière à Pahou. « Les officiers m’ont surprise en pleine activité et m’ont réclamé une somme de 20 000 F CFA. J’ai été obligé de les supplier pour avoir une réduction. », a-t-elle confié. Une expérience qui l’a rendue assez méfiante vis-à-vis des voisins qu’elle soupçonne de l’avoir dénoncée. « Qu’importe l’urgence du client et la quantité de condiments que je reçois entre 13 h et 15 h ou à partir de 20 h, je n’écrase plus ».
Selon Saliou Adjibi, commandant de la Brigade de protection du littoral et de lutte antipollution (Bplp), « il y a une réglementation en matière de bruit au Bénin. Le décret 2001-294 portant réglementation du bruit en République du Bénin […]. En principe, de 13 h à 15 h et de 22 h à 6 h, les meuniers ne doivent pas travailler » laisse-t-il entendre. Une disposition qui s’applique également à toute activité susceptible de causer des nuisances sonores. Malheureusement, le respect de ce décret ne s’observe pas, ce qui ajoute à l’ensemble des problèmes de pollution dont souffre le Bénin. Il est presque inhabituel d’avoir un après-midi ou une nuit paisible en raison de ce fléau qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Force doit rester à la loi pour une prise de conscience
Face à la situation qui perdure sur le territoire, il est important pour les pratiquants de ladite activité de prendre conscience sur les effets néfastes du bruit sur la santé. Une étude de l’OMS a démontré que le bruit est la « seconde cause de maladie derrière la pollution atmosphérique ». Elles perturbent le sommeil, accroissent la fatigue qui serait l’une des raisons de l’automédicamentation chez les adultes. Pourtant, les dispositions législatives et réglementaires existent en garde-fou contre ces exactions. Elles prévoient selon la gravité de la nuisance l’interdiction d’activité, la confiscation des matériels de sonorisation, le paiement d’amendes ou encore la condamnation à des peines privatives de liberté. En décembre 2018 par exemple, le Tribunal de Première Instance de Cotonou a condamné 05 Disc-Jockey ( DJ ) et 04 propriétaires de bars à 30 jours d’emprisonnement avec sursis et d’une amende de 200 000 francs CFA. Cela témoigne de l’effectivité de la répression qui semble toutefois insuffisante.
À titre illustratif, la Brigade de protection du littoral et de la lutte antipollution manque des moyens nécessaires à l’accomplissement de leur devoir alors que la quiétude et le bien-être des populations en dépendent. Si nul n’est censé ignorer la loi, une éducation environnementale apparait comme un impératif pour une répression plus efficace. Aussi, faut-il que les types d’appareils de sonorisation autorisés soient connus du public et des utilisateurs. En tout état de cause, force doit rester à la loi bien que malheureusement, certains de ceux qui doivent faire cesser ces nuisances sont parfois propriétaires des établissements pollueurs.
Jocelyne KOUKPOLIYI